21 décembre 2021, 19 h 39. Mon téléphone vibre.
Comme d’habitude, c’est Instagram qui m’indique une nouvelle notification.
J’ouvre, et je lis le message d’une certaine Carole :
Bonsoir Fabiola, je te contacte car je suis depuis longtemps ton compte Insta. Je suis une de ces nombreuses mariées 2020 doublement reportée et devenue entre temps maman d’une petite fille. Notre mariage est prévu pour l’été. Nous devions nous marier à l’église mais les choses ont un peu changé et notamment nous avons perdu ma grand-mère paternelle pour qui ça avait une énorme symbolique. Aujourd’hui je doute et l’idée d’une cérémonie laïque germe petit à petit dans nos têtes. J’ai pensé de suite à toi car j’adore ce que tu proposes. Je n’ai aucune idée de tes tarifs alors je préférai te demander de suite afin de savoir si nous pouvions nous le permettre. Je te remercie par avance et te souhaite une belle soirée ! Carole
Retrouve la suite via le podcast « Confession d’une accro du wedding » :
Le tarif
D’habitude, j’ai toujours un peu peur quand on me contacte en me demandant tout de suite le prix de ma prestation. Bien sûr, j’ai conscience que l’argent c’est un peu le nerf de la guerre dans l’organisation d’un mariage et qu’aussi je ne pratique pas des tarifs low cost.
Mais ma première motivation dans mon métier, c’est vraiment d’offrir aux mariés et à leurs proches une merveilleuse cérémonie. Je t’assure que ce n’est pas démago. Même si aujourd’hui, et il m’a fallu plusieurs années, j’assume tout à fait que si moi aussi un jour je veux m’offrir une aussi belle cérémonie de renouvellement de vœux que mes mariés, il faut que je gagne ma vie.
Enfin bref, revenons-en à ce premier contact. Je l’ai trouvé adorable et j’ai été touchée par ces quelques phrases. Et j’ai compris qu’il ne s’agissait pas d’une personne qui cherchait le meilleur prix, mais de quelqu’un qui souhaitait avoir la plus belle des cérémonies, tout en ayant conscience qu’elle pouvait avoir un certain coût.
Et ça, ça fait toujours plaisir.
J’ai donc fait la rencontre virtuelle de Carole et Valentin et, quelques semaines plus tard, nous commencions la préparation de leur cérémonie.
Et puis, l’été arrive, nous nous rapprochons à grand pas de la date du mariage. Et lors d’une discussion, Carole me confie qu’entre leur déménagement dans une autre région, le nouveau travail de Valentin pour lequel il est très investi évidemment et un bébé en bas âge, l’organisation du mariage commence à être rude.
Je lui rappelle alors que notre agence propose aussi de l’organisation de mariage et de la coordination de jour J, ce qui pourrait la soulager dans la dernière ligne droite.
C’est ainsi que moins d’un mois avant le jour J, avec Chiara et Sandy, deux de nos wedding planners, nous reprenons en main l’organisation du mariage de Carole et Valentin pour qu’ils puissent s’alléger d’une partie des préparatifs.
Et je peux vous dire que c’est un sacré challenge de coordonner un mariage en si peu de temps, surtout quand certains prestataires.. refusent de coopérer !
Le téléphone personnel
Tant pis si elle se reconnaît et que je me la mets à dos mais il faut que je vous parle de la coiffeuse bookée par la mariée. Si elle passe par là, il faut qu’elle sache qu’elle ne nous a vraiment pas facilité la tâche.
Les mariés nous ont donné son contact, comme tous les prestataires. Mais seulement un numéro de téléphone portable et pas d’email. Ce qui est embêtant parce qu’on échange beaucoup avec les prestataires par email car c’est plus simple pour leur envoyer des liens ou des documents. Notamment le planning du jour J.
Mais on a reçu l’instruction de ne pas contacter cette coiffeuse à ce numéro puisqu’il s’agit de son numéro perso et qu’elle refuse qu’on la dérange à des fins professionnels via ce canal. Jusqu’à là ok. Même si dans ce cas, c’est peut être plus simple de ne tout simplement pas donner ce numéro aux mariés mais bref.
On tente donc de la contacter directement au salon de coiffure où elle travaille. On est à 10 jours du mariage et sa collaboratrice nous répond qu’elle est occupée et qu’on devrait l’appeler jeudi prochain. Euhhh, jeudi prochain, c’est 3 jours avant le mariage. À ce stade, on ne sait pas à quelle heure elle peut arriver. Si elle confirme qu’elle peut coiffer également les proches de la mariée et donc combien de temps il faut prévoir pour chacune.
Avec l’expérience, on a une petite idée du temps que ça prend, mais on préfère toujours reboucler avec les prestas. Il nous manque pas mal d’éléments concernant la prestation coiffure et on va devoir faire une chose que les prestataires détestent : lui imposer notre timing et notre fonctionnement pour le jour J.
Je sais qu’il y a beaucoup de prestataires qui détestent travailler avec des wedding planners pour cette raison et c’est pour ça que dans notre agence, on travaille en amont AVEC les prestataires pour répondre à tous leurs besoins, les chouchouter le jour J et faire en sorte qu’ils n’aient qu’à se concentrer sur leur travail et non sur des détails logistiques, de timing, etc.
Mais là, nous on est obligé d’avancer sur le planning du jour J et de faire en fonction de nos expériences passées et non en fonction de la façon de travailler de cette presta.
On retente quand même notre chance le jeudi suivant, surtout qu’on sait que la mariée est justement en essai coiffure avec elle, mais une nouvelle fois, elle refuse de nous prendre au téléphone.
Encore un souci, vu qu’on a seulement son numéro de téléphone, difficile de lui envoyer le planning du jour J. Alors tant pis, on lui envoie un SMS pour la prévenir de l’heure à laquelle on l’attend samedi et lui demander son adresse email.
Sa réponse ne se fait pas attendre : on reçoit un rappel à l’ordre nous indiquant qu’elle est mécontente que l’on ne respecte pas sa vie personnelle. Pfff, c’est quoi la solution madame ?
La grève d’avion
De toute façon, on a bien d’autres soucis à régler… Notamment le mercredi avant le mariage où lors d’un point coordination avec Chiara, je reçois un SMS m’annonçant que notre vol prévu le vendredi est annulé pour cause de grève… Alors je te vois venir, l’avion c’est pas écolo. Dans l’agence, on privilégie toujours le train, mais nos frais de déplacement étant à la charge des mariés, on leur laisse le dernier mot. Et là, l’écart de prix entre les billets était tel, qu’ils ont choisi de nous booker des billets d’avion.
C’est fichu alors avant de prévenir les mariés, je regarde les trains disponibles. Tous les TGV sont déjà complets. Notre seule solution pour nous rendre au mariage, c’est un Intercités de 7 heures de trajet.
En plus, nous en avons pour plus de 400 € de billets aller-retour. C’est en tout point un mauvais plan mais on a pas le choix. Ou alors si, l’autre solution c’est 11 heures de voiture aller plus 11 heures retour mais je n’ai pas du tout, du tout la foi sachant qu’une coordination de mariage ce n’est pas loin de 15 heures de travail d’affilée. On a besoin d’être en forme pour assurer.
Tant pis, je booke les billets et préviens les mariés qui malgré la douche froide des 400 € qu’ils devront me rembourser, sont quand même soulagés de savoir que nous serons bien sur place comme prévu, la veille du mariage, pour assurer l’installation et bien entendu le jour J, pour célébrer la cérémonie et coordonner la journée.
Alors je peux te dire, que le départ en train à 5 heures du matin, ça pique un peu. Et bon sang que c’est long… Arrivées sur place, on ne perd pas de temps et on installe la salle du dîner.
Et là, premier pépin du jour J.
Les nappes
On découvre que le loueur s’est trompé dans le nombre et les dimensions des nappes. On est retardés en attendant qu’il nous en livre d’autres… Mais on arrive au bout de cette installation pas trop tard et rentrons à l’hôtel juste avant la fin de Danse avec les stars. Ahah.
Le lendemain, nous sommes toutes les trois au taquet. Il reste quelques éléments à installer dans la salle du repas et toute la cérémonie. À cause du vent en soirée dans la région, on a pas pris le risque de le faire la veille.
Nouvelle mauvaise surprise : en arrivant dans la salle du dîner, on se rend compte que quelqu’un, certainement un invité déjà présent sur place, a laissé son verre de bière encore plein sur une des tables déjà dressées. Sauf qu’il s’agit d’un verre un carton qui au bout d’un certain temps, n’est plus tellement imperméable et qu’il y a une énorme tâche sur une des tables. Et avec le souci de nappe de la veille, on en a pas d’avance aux bonnes dimensions.
Notre seule solution, retourner la nappe et placer la serviette sur la tâche… Pas terrible mais il ne faut pas que la gestion de cet imprévu nous mette en retard sur d’autres points importants du mariage.
D’autant plus que voilà un moment que nous attendons les coiffeuses et maquilleuses qui ne sont pas à l’heure… Franchement, mettre en retard la mariée… Elles finissent par arriver avec 45 minutes de retard. On ne dit rien parce que la mariée semble ne pas avoir noté ce retard et notre métier c’est aussi de passer outre sur le coup, pour ne pas plomber l’ambiance et donc gâcher les préparatifs de la mariée.
Ça c’est lancé. On sait qu’on aura donc au moins 30 minutes de retard sur le planning mais on rattrapera à un autre moment. Pour l’heure, il est temps d’installer la cérémonie, la déco du vin d’honneur et quelques derniers détails dans la salle du repas. Et cette fois-ci, c’est le propriétaire du lieu qui est contre nous.
Les clés
Les éléments de décoration sont stockés dans la salle du repas. On doit donc faire pas mal d’aller-retour. Et à chaque fois qu’on quitte cette salle, le propriétaire la ferme à clés. La raison : il y a déjà pas mal d’invités sur le domaine et certains pourraient être curieux et tenter de découvrir la salle de réception avant.
Ça part d’un bon sentiment, hein, mais c’est super relou en fait.
Et il refuse de nous confier les clés. C’est lui qui gère un point c’est tout et si on a besoin qu’il ouvre, il faut venir le voir.
Pas le temps de lui faire la leçon, on avance comme on peut.
Le réseau téléphonique
On agence la cérémonie mais nouvelle déconvenue : le groupe de musique qui doit la sonoriser n’est pas là. La cérémonie doit débuter à 16 h 30, donc le placement des invités à partir de 16 heures. Il est 15 h 30 et personne. Eux non plus ils ne répondent pas au téléphone. Mais ils n’ont pas de réseau les prestataires dans la région.
Ils arrivent enfin à 15 h 50 et la mise en place de la sono prend plus de temps que prévu parce que la synchronisation du son ne fonctionne pas. Ils finissent pas régler le souci mais je n’ai plus le temps de répéter avec le micro car il est déjà 16h15 et on a une chance de rattraper le retard.
Heureusement, la cérémonie se passe bien. Il y a beaucoup d’émotions. Et mon rituel préféré : le rituel du cocktail.
Après la célébration, on doit diriger les invités vers l’espace cocktail à quelques centaines de mètres. Je les précède pour prévenir le traiteur que les convives sont sur le point d’arriver mais, surprise, il n’y a personne et rien n’est dressé…
Le programme
Je cours en cuisine et trouve toute l’équipe en train de dîner. Mais, qu’est-ce que vous faites, c’est l’heure du cocktail ! Ben non, c’est dans une heure le cocktail, c’est écrit sur le programme envoyé par la mariée !
Le programme ? Mais elle l’a envoyé il y a un an, avant que le mariage ne soit reporté. Depuis, ils ont opté pour une cérémonie laïque donc le planning a changé. On vous l’a envoyé par email. La maître d’hôtel téléphone au gérant et effectivement, il a oublié de lui transmettre.
Ils nous assurent qu’ils seront prêts dans 30 minutes mais qu’en attendant, il faut faire patienter les invités.
Pas le choix, on récupère les limonades qui ont été servies aux invités à leur arrivée, et on s’improvise serveuses. Ils n’y voient que du feu et le traiteur nous rejoint pour ouvrir le cocktail.
Il y en a eu des péripéties lors de ce mariage et je pourrai encore t’en raconter de belles.
L’allergie aux poivrons
Comme le propriétaire du domaine qui avait une nouvelle fois fermé la salle du repas et qui était introuvable pendant le cocktail. Donc les invités du vin d’honneur qui souhaitaient entrer pour déposer une enveloppe dans l’urne ont dû passer par les cuisines…
Ou encore, un serveur qui offre un gaspacho à la mariée, alors qu’elle est allergique aux poivrons… Et que bien sûr le traiteur avait été mis au courant mais comme le planning du jour J, il n’avait pas transmis cette info. Pour ça, on a vraiment eu de la chance que la mariée soit attentive parce que le jour J, pris dans l’effervescence de la journée, elle aurait pu manger ce qu’on lui tendait, sans demander confirmation avant.
Mais ce que j’ai envie de retenir de ce mariage, c’est le positif. Comme la mariée qui dans son discours de remerciements cite toute notre équipe et ça, ça fait chaud au cœur.
J’ai aussi envie de me rappeler de ce moment où elle et nous, échangeons quelques mots dans la soirée et où elle nous dit “ah c’est super, il n’y a eu aucun imprévu”. On a ri, mais on a rien dit.
J’ai envie de retenir les longs messages vocaux de la mariée, qu’on a taquiné tout au long des préparatifs en lui disant qu’en fait, ce n’étaient pas des vocaux mais des podcasts qu’elle nous faisait.
Et d’ailleurs, il y a eu ce dernier message après le mariage quand on a débriefé…
Je te confirme que vous avez bien réussi le challenge. Vous l’avez relevé haut la main ! Je l’ai rapidement dit dans mon discours en début de soirée, mais vraiment, je vous remercie du fond du cœur toutes les trois. Je sais que c’était costaud avec le peu de timing qu’on avait et vous avez vraiment fait des miracles. Je pense que si j’avais trouvé mes nappes tachées et pas dans les bonnes tailles, etc, au dernier moment, toute seule, je me serais clairement effondrée et je ne sais pas qui aurait pu m’aider. Donc tu peux être fière de ton équipe et de toi. Je te confirme qu’on a eu que des compliments !
Tes podcasts nous manquent Carole !
… et la vache
Et tu te demandes certainement pourquoi le titre de cet épisode est “Le jour où une vache a perturbé le trajet” ? Eh bien parce qu’après 7 heures de trajet aller. 5 heures d’installation le vendredi. 6 heures de sommeil. 15 heures de jour J à piétiner. Notre trajet retour, qui devait lui aussi durer 7 heures, a été perturbé par une vache qui errait sur les rails de notre train. On s’est pris une heure de plus dans la vue. J’étais vraiment dégoutée parce qu’à cette période, j’étais dans ce qu’on appelle un tunnel, c’est-à-dire, une période avec un à plusieurs événements par semaine, plusieurs semaines consécutives. J’ai donc passé mon seul jour de congé dans un train.
Mais aujourd’hui c’est une anecdote drôle à raconter, non ?